La clandestinité
Un samedi soir de l’hiver 42, vers la Noël, je suis retourné à Perpignan chez mon frère André. Je suis sorti en ville pour faire une promenade. Dans la rue, j’ai rencontré deux camarades et nous sommes allés prendre un verre au café de la Loge. Nous n’avons pas bien compris ce qui s’est passé mais un incident a eu lieu et une patrouille allemande qui passait par là est entrée en vociférant dans le bar. Dans la panique, tout le monde tentait de s’échapper. Les soldats ont réussi à capturer quelques fuyards. Pendant ce temps, avec mes camarades, nous avons filé par une sombre ruelle adjacente, ce qui nous a permis d’échapper à nos poursuivants. Je n’ai pas su ce qui est arrivé aux malchanceux qui ont été pris, car dès le lendemain je suis retourné à Salvezines et je ne suis plus revenu à Perpignan avant la libération.
Pour moi, c’est à partir de ce moment-là que commence ma vie de réfractaire au STO. A Salvezines. à l’accoutumée, je partais en forêt toute la journée pour ne revenir chez mes parents que le soir. Un jour cependant que je dérogeais à cette règle, j’ai vu arriver trois camions avec des soldats allemands. Ils ont demandé au maire de rassembler une dizaine de jeunes sur la place pour charger leurs camions avec du bois. J’y suis allé, et heureusement pour moi, il ne s’agissait que de vieux soldats qui n’étaient pas à la recherche de déserteurs ou de réfractaires, je n’ai donc pas eu de problèmes. Nous les avons aidés et en récompense ils nous ont donné un grand sac plein de boules de pain. Pour ma part, cet incident sans conséquences m’a conduit à me méfier davantage.
En 1943, les allemands ne soupçonnaient pas encore la présence de formations clandestines composées de réfractaires désarmés qui se cachaient dans la montagne. C’est pour cette raison que si des troupes allemandes sont venues à plusieurs reprises à Salvezines, cela s’est toujours passé sans ennuis pour les habitants du village.