La convocation au STO
Après ma démobilisation, j’ai repris mon travail à l’usine pendant quelques mois, jusqu’au début de l’année 1943. J’ai été appelé au STO par deux fois en six mois. La première fois, le patron a réussi à sauver ma place. Mais peu à peu, la situation s’est dégradée du fait de la méfiance des allemands qui ont occupé les locaux.
Le mois avant mon départ définitif de l’usine, j’ai pris l’autobus pour aller rendre visite à mes parents à Salvezines. Lorsque je suis arrivé à Lapradelle, Il faisait déjà nuit et le temps était frais. Un peu de neige recouvrait déjà le sol. Nous étions fin novembre ou début décembre. Je me suis mis en route car, faute de moyens de transport, il fallait faire à pied les trois kilomètres séparant Lapradelle de Salvezines. C’est en arrivant aux gorges de la Folie que subitement trois individus surgissant du fossé m’ont attaqué en me menaçant avec un pistolet. Ils m’ont demandé en espagnol, d’où je venais et où j’allais, je leur ai expliqué que j’arrivais de Perpignan et que j’allais chez mes parents à Salvezines. Ils ont fouillé ma mallette mais me l’ont vite rendue, car elle ne contenait que des affaires personnelles. Ils m’ont alors obligé à les suivre un peu à l’écart et ont discuté un instant entre eux. Ils m’ont ensuite interrogé sur la présence éventuelle de maquisards ou d’autres éléments comme eux dans la région. Je leur ai indiqué que, venant de Perpignan, je n’étais pas très au fait de la situation locale et qu’il m’était impossible de les renseigner sur ce sujet Ils m’ont alors laissé partir. C’est la peur au ventre que j’ai parcouru la centaine de mètres qui me séparait du premier virage, je redoutais que ces individus ne profitent de la situation pour me tirer dans le dos, l’obscurité et la proximité du gouffre rendaient le lieu idéal pour faire disparaître un corps. Lorsque je suis finalement arrivé chez mes parents, j’étais livide. Face à leur inquiétude, je leur ai raconté ma mésaventure, mon père qui avait eu connaissance d’événements de ce type m’a alors expliqué qu’il pouvait s’agir de bandes de détrousseurs sévissant en Ariège et qui auraient pu venir jusqu’ici. Ce pouvait être également des éléments de maquis espagnols ou plus vraisemblablement des groupes d’anarchistes venant d’Espagne, qui trafiquaient dans les montagnes et menaçaient les habitants des villages pour s’approvisionner en nourriture. De toute évidence, ils ne constituaient pas un véritable maquis, mais il est possible qu’ultérieurement ils aient pu en rejoindre un.
Finalement, l’usine a cessé ses activités contraignant les ouvriers à partir. Les patrons ont alors regagné une des colonies françaises de l’époque, où ils avaient une seconde usine, certains ouvriers les ont suivis, mais pour ma part j’ai préféré rester en métropole. Le second appel pour le STO est donc arrivé et comme je n’avais pas l’intention d’obtempérer, je suis parti, deux jours après, me cacher à Salvezines.