[02/03/2012] INFO: le site web officiel de l’association du maquis de Salvezines, est à nouveau disponible en ligne. Vous y trouverez quantité de témoignages des intervenants (français et américains) de l’époque ainsi que des photos et des retranscriptions de documents officiels.

Visitez le à cette adresse: http://maquisftp-jeanrobert-faita.org/

Le site officiel de l’association du maquis de Salvezines comporte déjà la plupart des informations que vous trouverez ci-dessous mais il est en plus agrémenté de nombreuses illustrations et il est beaucoup plus complet et mieux structuré que cette simple page qui publie cependant un extrait plus important du témoignage de M. Jean Kohn (parachutiste OSS OG de l’opération Peg).


Cette page présente des informations sur le maquis de Salvezines. C’est une simple traduction de la page http://www.midi-france.info/1016_ww2.htm publiée ici avec l’aimable autorisation du responsable de ce site que je remercie.

Les trois lettres NdT (note du traducteur) signalent un commentaire ou une information ne figurant pas sur la page d’origine.

L’histoire du Languedoc: La Seconde Guerre mondiale et le Maquis

Pendant la Seconde Guerre mondiale le Languedoc faisait partie de la France de Vichy. Vers la fin de la guerre, les Allemands prirent le contrôle de la France de Vichy et la région a connu une activité de résistance. Vous entendrez très peu parler de cette période ou de l’étendue de la collaboration locale avec l’Axe. (Par exemple, l’existence d’un camp de concentration à Rivesaltes est assez méconnue – c’est une zone désormais plus célèbre pour son vin doux, et où l’aéroport de Perpignan se trouve maintenant).

De même, vous trouverez très peu d’information sur la Résistance et ses opérations conjointes avec les forces alliées, hormis quelque modeste monument ici ou là. Par exemple, si vous descendez la RN118, vous verrez une tombe sur le bord de la route près du village d’Alet-les-Bains. C’est la tombe d’un soldat Américain qui y mourut en août 1944.

Ce soldat, le lieutenant Paul Swank faisait partie d’un petit groupe parachuté dans la région alors que les Allemands se retiraient. Selon la légende locale, il avait prévu une embuscade dans ce défilé étroit, avec l’intention de bloquer la retraite allemande et d’attaquer le convoi. Ayant prévu cela, les Allemands ont pris des otages à Couiza et les ont attachés aux toits de leurs véhicules, avec l’intention d’empêcher toute embuscade. Sans se décourager, le lieutenant est descendu au niveau de la route et a attaqué à partir de là, au prix de sa vie. Les comptes-rendus contemporains ne font pas mention des otages – voir ci-dessous le compte rendu détaillé basé sur le rapport de la mission. (NdT: concernant les témoignages des 6 otages de Couiza voir le site web de Couiza comportant des informations issus de l’ouvrage la « Résistance Audoise »)

Sur la tombe, les inscriptions diffèrent subtilement entre la version en français et celle en anglais:

ICI EST TOMBE GLORIEUSEMENT POUR LA LIBERATION DE LA FRANCE
LE LIEUTENANT AMERICAN PAUL SWANK
17 AOUT 1944
ET Y REPOSE SELON SA VOLONTE

HERE FELL FOR THE CAUSE OF FREEDOM AND LIBERTY
LIEUTENANT PAUL SWANK ARMY OF THE UNITED STATES
AUGUST 17 1944
AND LIES HERE ACCORDING TO HIS OWN WILL

La dernière ligne indique qu’il avait exprimé le souhait, en cas de décès, d’être enterré là où il tomberait. L’armée américaine a insisté pour le rapatriement du corps, mais après la guerre sa famille fit exhumer la dépouille et l’envoya en Languedoc afin d’être enterré à l’endroit où il est mort, conformément à sa volonté expresse.

Le Maquis

L’opposition locale à l’occupation étrangère et à l’oppression au cours du XXe siècle avait quelques similitudes avec celle face à l’occupation et l’oppression par des forces étrangères au treizième siècle. Dans les deux cas les populations locales menèrent une guérilla contre l’envahisseur. Au XIIIe siècle, ils s’appelaient Faydits. Au XXe on parlait de Maquis. Ces maquis aidèrent les Alliés – surtout après le débarquement en Normandie, et quand un second front fut ouvert à Toulon.

Maquis Jean Robert (Compagnie 4306). Le « Maquis Firmin », a d’abord été situé à Mijanes et il a été dirigé par Raymond Rougé alias Firmin. Il était composé de quelques hommes: René et Paul (2 frères), Pervenche, Octave. D’autres les ont rejoints venant des alentours de Perpignan (via Mosset et le Col de Jau): Moise, Le Lièvre, Marceau, Marin, Prosper …

Traqué par les Allemands après son installation au Bousquet, le maquis Firmin s’est finalement établi dans la forêt de Resclause près de Salvezines. Il a été réorganisé et a attiré de nouvelles recrues, il prit alors le nom de maquis Jean Robert, dirigée par Victor Meyer alias Jean-Louis et Adolphe Gomez alias Michel Sicard. Jean Auguste Robert est né à Marseille le 4 Juillet 1917, c’était un militant communiste et un ami de Faïta, il a été guillotiné à Nîmes le 22 avril 1943.

Maquis Faïta (Compagnie 4307). La maquis Faïta a été formé sur la fin de l’été 1943 par Victor Teisseyre alias Papa secondé par Loupia alias Blücher (chef en second avant Meyer), et Foulquier de Chalabre. Le maquis était basée près de Chalabre, entre Courtauly et Sonnac. En Juillet 1944, traqués par la milice, le maquis de Gaja La Selve se joint à eux. Au col de La Flotte et à Lairière, ils subirent de lourdes pertes, les deux chefs du maquis, Joseph Alcantara alias Paul et André Riffaut alias Michel Gabin, ont perdu la vie. Sous la nouvelle direction de Caplan et Marsoin le maquis se replia sur Salvezines, et fusionna avec le maquis Jean Robert. Vinicio Faïta est né le 6 mai 1918 à La Spezia (Italie). Militant communiste et antifasciste, il fut guillotiné le 22 avril 1943 à Nîmes avec son ami Jean Robert.

Maquis FTP Gaja La Selve (Compagnie 4309). Dirigé par Pierre Cambours alias Coulon, le maquis fut nommé Camp Cathala en mémoire d’Auguste Cathala tué par les Allemands le 23 mai 1944. Le camp de Cathala était situé à Gaja La Selve.

Site Web du maquis FTP Jean Robert & Faita (NdT: aujourd’hui en 2011, le site semble malheureusemnt inactif). Le site a été mis en place afin de commémorer les activités du mouvement FTP clandestin (le maquis) qui opérait dans la vallée de l’Aude, durant la Seconde Guerre mondiale, et pour rendre hommage au lieutenant américain Paul Swank et aux partisans qui ont été tués par les nazis. Ce site présente des documents, des récits, des témoignages, des dossiers d’archives et de photographies. La majeure partie de ce site contient des histoires et des témoignages d’anciens résistants qui ont maintenant plus de 80 ans. Chaque année, l’association commémore les activités en temps de guerre, en organisant deux cérémonies: l’une en Juillet, au monument de Salvezines et aussi à la plaque commémorative dans la forêt de Resclause puis une seconde cérémonie le 17 août au col d’Alet, sur la tombe du lieutenant Paul Swank.

Opération Peg – basé sur le rapport de mission

L’opération Peg était une opération militaire impliquant des forces spéciales américaines (OSS) et le maquis local, en août 1944.

Le but de l’opération PEG était de harceler les forces ennemies en coupant la Route Nationale 117, et en détruisant les lignes de communication et d’approvisionnement dans la cuvette de Carcassonne. Elle a été dirigée par le 1er lieutenant Grahl H. Weeks et le 1er Lieutenant Paul Swank. L’opération a débuté le 11 août 1944, à 3 heures. Quelque 16 hommes ont quitté l’aéroport de Blida, en Algérie par avion, en direction d’une zone de largage dans le département de l’Aude près d’Axat. Les montagnes étaient si élevés de chaque côté de la zone que l’avion ne pouvait pas descendre très bas et par conséquent tous les hommes atterrirent sur le sommet d’une montagne, partiellement couvertes d’arbres dans les endroits où la roche le permettait. Trois hommes ont été blessés. Les troupes débarquèrent à 12 miles (environ 19km) de l’endroit où la section était censée tomber. Le Maquis devait recevoir un équipement à l’endroit où nous avons atterri et l’avion ramenant leur équipement suivait le notre avec moins de cinq minutes d’écart. Il y avait deux camions et deux voitures prêtes pour transporter les conteneurs dans les montagnes près de Salvezines. Les maquisards étaient très excités par l’arrivée inattendue des américains et il a fallut un certain temps avant que nous ne puissions les mettre au travail.

11 août: La section a travaillé ce matin jusqu’à midi au chargement des conteneurs avec l’aide du maquis, et au déménagement vers sa cachette dans les montagnes. Les blessés ont été placés dans des lits dans le village de Salvezines, qui était bien protégé par le maquis, et ils furent soignés par un médecin civil qui travaillait avec le Maquis. Deux des hommes ont récupéré rapidement et ont rejoint la section. On a ensuite découvert qu’un autre homme s’était brisé plusieurs côtes à l’attérissage. le soldat T/5 Strauss a continué à travailler malgré son état pendant toute l’opération.

12 et 13 août: Cette journée a été consacrée à l’ouverture des conteneurs et au nettoyage des armes, tandis que les officiers et sous officiers partaient en reconnaissance dans la zone. Cette nuit-là, un pont ferroviaire a été détruit sur la ligne entre Carcassonne et Rivesaltes laissant le pont intact, mais de telle sorte qu’il soit impossible à réparer sans d’abord le démolir pour en reconstruire un nouveau. Le pont avait été continuellement utilisé par les trains de ravitaillement allemands.

14 août: Cette journée a été consacrée à l’instruction des maquisards pour tirer avec le fusil modèle 1903 de l’armée américaine, les mitrailleuses légères et les autres armes. Cette nuit la section a détruit trois ponts aux arches de pierre, ce qui a complètement coupé la route nationale 117 et un raccourcis. Afin d’utiliser en toute sécurité les moyens de transports disponibles sur cette route, une ligne téléphonique a été établie le long de la route par les maquisards qui vivaient dans les villes et villages alentours. Chaque demi-heure, ils rapportaient par téléphone la situation au poste de commandement américain dans le village, le maintenant informé des activités de l’ennemi.

15 et 16 août: Cette journée a été consacrée au renforcement de la défense autour du petit village de Salvezines. Les routes étaient minées et les mitrailleuses ont été placées dans les positions les plus stratégiques. Cet après-midi, le Maquis a ramené neuf soldats ennemis qu’ils ont capturés dans une fabrique de savon à St. Paul. Nous avons obtenu le plus de renseignements possible des prisonniers et tentâmes d’envoyer cette information au quartier génral, mais notre radio n’était pas en état de fonctionnement et nous étions sans communication à travers toute l’opération. A cette époque, nos forces du Maquis avaient augmenté de 40 à 250 hommes en armes. Il y avait beaucoup d’autres hommes qui suppliaient pour rejoindre les Américains et ont dû être refusés en raison du manque d’armes.

17 août: Nos forces ont emménagé à QUILLAN et des plans ont été faits pour attaquer un entrepôt de nourriture ennemi à COUIZA. Une partie du Maquis a été placé dans les collines couvrant toutes les routes pour empêcher l’ennemi de renforcer ou de dégager la garnison de 250 hommes. Le lieutenant SWANK avec quatre Américains et dix-huit maquisards ont été envoyés aider le Maquis au nord de la ville, près d’ALET en détruisant un pont. Le lieutenant Swank, qui était un officier du génie, a décidé que, après avoir examiné la situation, le meilleur moyen de bloquer la route était de dynamiter les rochers d’une falaise près de la route. Il a été averti par le Maquis local que l’ennemi arrivait de Couiza, mais il a rapidement placé la charge, l’a déclenché, et se retira à couvert. Plus tard, lui et le sergent GALLEY retournèrent le long du chemin afin de déterminer l’étendue des dégâts et constatèrent que ce n’était pas suffisant pour arrêter la force ennemie qui approchait rapidement. Le lieutenant SWANK savait que de son petit groupe de douze hommes (plusieurs des maquisard avaient disparu dans l’intervalle) ne pourrait pas retenir une force de 250 soldats ennemis armés de mitrailleuses et de mortiers. Il ordonna aux hommes de se retirer dans les collines pour échapper alors que lui et le sergent GALLEY retarderaient l’avance ennemie en couvrant leur retrait par le feu d’armes automatiques. Pendant cette action lieutenant SWANK a été frappé à quatre reprises par le feu des mitrailleuses ennemies avant qu’il ne tombe au sol. Même après avoir été touché, il a fait l’effort, de tirer son pistolet et poursuivre la lutte tant qu’il restait une étincelle de vie dans son corps. Son action a été si courageuse qu’il a gagné les éloges des officiers ennemi faisant cette déclaration: «Nous n’avons jamais vu un combat aussi dur que l’homme cet officier contre toute attente». Cette remarque a été faite aux civils de Couiza. Le lieutenant SWANK combattit même alors qu’il ne pouvait plus se tenir sur ses pieds – jusqu’à ce qu’un officier allemand aie vidé son pistolet dans sa gorge, les balles sortant derrière son oreille droite. Le sergent GALLEY a vu le lieutenant SWANK tombé et le croyait mort, mais il a continué à se battre seul jusqu’à ce que sa main droite aie été complètement brisée par une balle explosive, et qu’il ne puisse plus utiliser ses armes. Il a également reçu une balle dans le pied gauche avant de se retirer jusqu’à la colline sous le feu protecteur des autres hommes organisés par le T/5 Frickey. Ils ont choisi une bonne position derrière des rochers et ont repris le combat. L’ennemi a été refoulé par la perte de dix-neuf tués et vingt-quatre blessés, contre la perte d’un Américain et deux maquisards tués ainsi que deux Américains et deux maquisards blessés. Après la tombée de la nuit, les hommes retournèrent à QUILLAN pour rejoindre le reste de la section. Le T/5 VEILLEUX été séparés de autres hommes et a erré à leur recherche jusqu’au lendemain matin. Il a été pris pour cible par trois ennemis et voyant que dans ces circonstances, le combat était sans espoir, il est tombé au sol et s’est renversé dans un fossé comme s’il était mort. Lorsque les trois hommes se sont approchés de sa position et furent à découvert, il a pris le temps calmement de bien ajuster sans se soucier du feu de l’ennemi, il parvint à les tuer tous les trois sans dommage pour lui-même.

18 août: Cette journée a été consacrée à enterrer le lieutenant Swank et prendre soin des blessés. Les habitants de la ville ont exprimé leur profonde sympathie en préparant un service funéraire qui n’aurait pas été meilleur dans une petite ville américaine. Il n’y avait pas assez d’espace sur le plus grand camion dans la ville pour toutes les fleurs. Les funérailles avaient également lieu pour les deux maquisards tués dans la même opération, le corps du lieutenant Swank était à la place d’honneur. Le service a eu lieu à l’église, avec ensuite l’enterrement militaire sous la direction du Maquis.

19 août: Nous devions à attaque de entrepôt ce jour-ci, mais l’ennemi avait entendu des rumeurs qu’il y avait 500 parachutistes américains à Quillan et quand nous sommes arrivés les hommes qui avaient été laissés garder l’entrepôt avait capitulé sans endommager l’entrepôt. La plupart de la garnison, tous, sauf 20 hommes avaient placé des otages sur leurs camions et avaient échappé aux gardes du Maquis. Il y avait assez de nourriture dans le dépôt pour nourrir un million d’hommes pour une période de 10 jours. Cette nourriture a été utilisé par le maquis et distribuée à la population des villes et villages à proximité. La section à déménagé à LIMOUX et y est restée pendant trois jours au cours de laquelle des reconnaissances ont été faites alors que les hommes pouvaient laver leurs vêtements et se reposer un peu. Pendant ces trois jours une équipe Jedburg sous le commandement du capitaine britannique Sell a demandé si nous pouvions les aider à faire dérailler un train de troupes quittant CARCASSONNE en direction de NARBONNE. La section avec 30 maquisards est allé jusqu’à un point situé à l’ESt de Carcassonne et trouve le tunnel. Arrivant trop tard pour faire dérailler le train, nous détruisimes quatre sections de rail et l’ennemi a été incapable de le réparer à temps pour l’utiliser pour leur retraite.

23 août: Notre garde de maquisards à la périphérie de LIMOUX a été attaqué par une bande de 32 Allemands qui tentaient de s’échapper vers l’Espagne et pensaient qu’ils pourraient facilement percer cette garde. Les Américains furent les premiers à renforcer la garde, et par une action d’accompagnement excellente encerclèrent l’ennemi et les forcèrent à se rendre après un combat demi-heure. S/Sgt Sampson a été en charge de l’action d’accompagnement et a fait un travail exceptionnel. Il faisait le travail d’un officier depuis la mort du lieutenant Swank et sa capacité à conduire les hommes a été clairement démontrée dans cette action. Après cette date, nous avons continué à avancer vers le nord, tendant des embuscades et encourageant les forces de la Résistance pour lutter contre toutes les bandes éparses d’ennemis errant à travers le pays et essayant de traverser la frontière espagnole. Nous avons réalisé qu’il n’y avait plus de travail à faire pour nous après une semaine de ce type d’opérations. Enfin, nous nous sommes dirigés vers l’est en direction des Forces Alliées qui avaient poussé au nord devant nous. Nous avons rencontré l’armée française à MONTPELLIER et les forces américaine à Avignon où le sergent GALLEY et le sergent ARMENTOR ont été placés dans un hôpital américain. La section a continué vers Grenoble, pour faire son rapport au quartier général.

Pour plus de détails au sujet de la mission Peg, visitez http://maquisdesalvezines.free.fr (NdT: aujourd’hui en 2011, le site semble malheureusemnt inactif)

Paul A. Swank, 12/02/1921-17/08/1944, Premier Lieutenant de l’Armée des États-Unis – Corps du Génie

Paul Swank est né à Cape Girardeau, Missouri. Il est entré dans l’armée comme simple soldat le 18 août 1942. Il a été envoyé à San Antonio pour affectation, et de là au camp Sheppard à Wichita Falls. Il reçut l’instruction de base à McCallie, et à Davidson, où il s’est spécialisé dans l’artillerie. Entre le 23 Septembre 1942 et le 20 Janvier 1943, il a suivi quatre cours spéciaux. Il a ensuite été envoyé à Fort Belvoir, en Virginie (la meilleure école du Génie de l’armée américaine) pour une formation plus spécifiques. Là, il a servi comme « colonel des cadets » de sa classe. Quand il eut fini à Fort Belvoir, il a été envoyé au Camp Claiborne, en Louisianne, et y resta jusqu’au 18 août 1943. Il s’est porté volontaire auprès de l’Office of Strategic Services (OSS), et y est devenu un officier. Il a été affecté à l’étranger, à Alger, en Janvier 1944, et a été parachuté avec sa section en France, au dessus du Clat, Aude, le 11 août 1944.

Opération Peg – basé sur un souvenir personnel

Ce qui suit est un extrait des chapitres 4 et 5 de « a civilian in uniform » (en français « un civil en uniforme ») par Jean Kohn. Le texte intégral peut être vu à http://www.ossog.org/france/peg_kohn_04.html

Les armées alliées ont envahi la Normandie, depuis début Juin. Nous nous entrainions pour l’invasion du sud qui était dans l’esprit de chacun. Cela a commencé le 15 août 1944.

En Juillet 1944, nous étions prêts à y aller. Puis un nouveau officier pour remplacer le capitaine Pons est arrivé: le Lieutenant Paul Swank. Nous ne le connaissions pas du tout, nous ne savions pas qui il était, d’où il venait. C’était un homme très silencieux et réservé. Nous l’avons aimé tout de suite, en fait, nous l’aimaions beaucoup; mais nous ne savions pas comment l’aborder.

De son côté, le lieutenant Weeks avait «vécu» avec nous pendant un bon moment. On le connaissait dans les moindres détails. Pas de problème. Nous savions qui il était, nous connaissions ses faiblesses et ses bons côtés. Il était juste. D’autre part, ce nouveau lieutenant, Paul Swank: nous ne pouvions pas le cerner. Je dirais qu’il était un peu « timide ». Nous le respections surtout pour son expérience et son passé « militaire ». Il ne parlait pas beaucoup et n’entrait pas dans de longues conversations comme nous en avions l’habitude avec le capitaine Pons. Quand il donnait un ordre nous obéissions – sans poser de questions. Ses ordres étaient toujours logique.

C’était peu de temps après que nous nous soyons préparés pour la mission Peg.

Un jour d’août on nous a dit « OK, les gars, on y va. »

Où ça? Le Sud de la France.

On nous a mis, je dirais, dans une partie secrète du camp ou un autre endroit près de l’aéroport. On nous a ordonné de ne plus parler à personne, de réunir tous nos équipements, toutes nos armes, couteaux, carabines, mitraillettes, explosifs, la totale. Nous avons également eu des cartes, 10 000 francs français et vingt pièces d’or de 20 francs. En plus on nous a donné une note signée par le général américain Benjamin F. Caffey disant:

«Secret
Pour tous ceux que cela concerne
Ce soldat est un représentant pleinement accrédité par le Haut Commandement des Forces Alliées. Il a été chargé d’unir ses forces autant que possible avec les unités de la résistance pour mener une guerre incessante contre l’envahisseur allemand pour la libération de la France « 

Nous partîmes une nuit dans un bombardier Halifax de l’aéroport de Blida, à l’ouest d’Alger. Cet avion avait un équipage mixte, les pilotes étaient britanniques, le « dispatcher » (steward) était australien et nous bien sûr étions américains. Mais lors de ce voyage, cette nuit-là, nous n’avons pas sauté. Nous sommes revenus. Pourquoi? Parce que (nous l’avons appris plus tard) l’endroit où nous étions censés atterrir subissait une attaque allemande.

Ce site de saut d’origine était maquis de Picaussel, à l’ouest de Quillan, sous le commandement de Lucien Maury. Le retour le soir à Blida a été stressant puisque nous étions tous prêts à y aller et à sauter.

Nous avons volé à nouveau dans la nuit du 10 août et nous avons atterri sur un autre site Le Clat; à proximité d’Axat, non loin de Quillan, au sud de Carcassonne. Nous avons atterri sur un genre de colline très très rocheux. Je pense que mon copain, Bill Straus s’est cassé une ou deux côtes, le sergent Sampson s’est blessé au coccis. Plus tard, nous disions en plaisantant que nous avons atterri sur un terrain de type anti-parachutiste. Mais finalement tout s’est bien passé. En fait, ce site avait été choisi pour recevoir de l’équipement seulement et non des parachutistes. Les maquisards ont cru pendant un moment que nous étions des parachutistes allemands. C’est une bonne chose qu’ils n’aient pas tiré sur nous.

En atterrissant, j’ai embrassé le sol, car je me sentais de «retour à la maison ». Je me rappelais aussi d’un conte mythologie à propos d’un géant appelé Antée, fils de Poséidon et de Gaia, qui serait toujours invulnérable tant qu’il toucherait sa «mère», la terre. J’avais été impressionné par cette histoire et au fond de moi j’ai pensé que si j’embrassais le sol français, je serais également invulnérable. J’ai même écrit un poème tard sur cet épisode. Antée étais tué par Héraclès qui le soulevait loin du sol et l’étouffait. Eh bien, l’«Héraclès» allemand n’était pas là ce jour-là et je suis toujours là pour raconter cette histoire.

Puisque nous en sommes aux histoires de bon augure, pendant la «drôle de guerre» en 1939/1940, mes parents pris une location à Granville, en Normandie au sud de Cherbourg car ils avaient peur de Paris puisse être bombardé par les Allemands. Cette maison était orientée à l’ouest et de nombreuses soirées je regardais le soleil se coucher sur l’océan. Il y a une vieille croyance qui dit que si une personne voit le dernier rayon qui devient vert lorsque le soleil disparaît à l’horizon, il aura de la chance toute sa vie. Chaque après-midi je voudrais essayer de voir ce « rayon vert » comme ils l’appellent en français. Il a fallu plusieurs jours d’observation avant que je ne le vois finalement une fin d’après-midi – juste une lueur, mais tout à fait verdâtre.

Non seulement avais-je embrasser le sol, comme ce géant mythologique, mais en plus j’avais vu le « rayon vert ». Par conséquent, je sentais que je reviendrais vivant de la guerre.

Plus sérieusement, dès que nous avons débarqué, nous avons rencontré le maquis FTP (Francs Tireurs et Partisans), je ne savais même pas ce que signifiait FTP à l’époque et nous ne savions pas non plus que ce groupe de «maquisards» s’appelait Jean Robert-Faita – pour nous, c’était le «Maquis». Ils étaient communistes avec un double commandement: Un commissaire politique (Jean Meyer) et un chef militaire (le Lieutenant Michel – de son vrai nom Adolphe Gomez). Les maquisards se saluaient en levant un poing fermé. Pour moi, ce n’était pas une surprise, car j’avais connus la victoire du « Front Populaire » aux élections de 1936 quand de longs défilés de manifestants socialistes et communistes traversaient Paris saluant avec leurs poings levés.

Mais pour mes copains américains qui sont venus de «ville moyenne» aux États-Unis, c’était tout à fait nouveau, pour ne pas dire plus. J’ai expliqué que ces communistes et socialistes étaient également des français très patriotes -en vain- en particulier pour certains de nos camarades venus du « Sud Profond » des Etats-Unis avec une éducation très religieuse.

Nous avons atterri tôt dans la matinée du 11 août 1944 au Clat. Il faisait encore sombre. Nous avons entendu des hommes parlant français. Le contact a été fait immédiatement. Nous avons recueilli nos affaires et tous les containers remplis avec le matériel qui avait été largués en même temps. Il y avait un camion et quelques voitures qui nous attendaient. Nous avons chargé l’ensemble du lot de conteneurs d’armes et d’équipement et nous sommes allés sur la route en espérant qu’il n’y aurait pas d’Allemands qui nous attendent car les avions volant la nuit font un bruit effroyable. Nous sommes allés à Salvezines par Axat, puis avons remonté la route jusqu’à une maison appelée la Ferme Nicoleau. Là, nous fumes accueillis par une foule de jeunes hommes, peut-être deux cents, pour la plupart des jeunes français qui avaient refusé d’être enrôlés dans l’organisation du travail forcé que l’Administration française (gouvernement de Vichy) avaient mis en place avec les nazis allemands. Cette organisation s’appelait STO (Service du Travail Obligatoire). En d’autres termes, le gouvernement de Vichy envoyait tous ces jeunes gens travailler en Allemagne – presque comme esclaves pour un salaire misérable. Je suppose (je ne suis pas sûr de cela) que puisque la conscription pour le service militaire n’était pas en vigueur durant la période 1940/1944, la STO l’a remplacée en « recrutant » les jeunes hommes lorsqu’ils atteignaient l’âge adulte.

En fait, cette loi était censé fonctionner comme suit: pour trois travailleurs se rendant en Allemagne, un prisonnier de guerre français (1940) serait renvoyé à la maison. Très peu de prisonniers ont été renvoyés, en fait. En outre, comme les Allemands considéraient ces jeunes Français comme des esclaves, beaucoup de ceux qui sont allés en l’Allemagne n’en sont jamais revenus, morts de malnutrition, d’autres ont été abattus alors qu’ils se révoltèrent ou protestèrent contre les mauvais traitements. Après la Guerre d’autres sont morts de tuberculose ou de maladies dues à des mauvais traitements reçus en Allemagne.

D’une manière ou d’une autre, les mauvaises nouvelles concernant les conditions de vie au STO ont filtré d’Allemagne et quand le gouvernement de Vichy a appelé de nouveaux séries de jeunes hommes à se présenter pour être envoyés au STO, beaucoup d’entre eux ont fui et rejoint le maquis. D’autres traversèrent les Pyrénées vers l’Espagne et tentèrent de joindre soit les forces françaises libres, ou, soit plus tard, l’armée régulière du nouveau du gouvernement français à Alger.

On peut dire sans mépris pour le magnifique geste de ces jeunes hommes rejoignant les différents groupes de résistance, qu’autrement le maquis en général, aurait eu moins de main-d’œuvre car le patriotisme est une chose, mais vivre dans de très mauvaises conditions, le froid, et sans beaucoup de nourriture, c’est une autre chose. Beaucoup de ces jeunes hommes étaient des gens de la ville sans trop de préparation pour ce genre de vie à la dure.

Un soir, comme nous approchions de Carcassonne, dans une petite ville, probablement Bram, nous avons été logés dans des foyers différents pour la nuit. Comme par hasard – à moins qu’il n’ait été fait exprès – j’ai été affecté à une maison où la dame qui m’a accueilli m’a dit que son fils s’était suicidé car il ne voulait pas être envoyé au STO. Il était étudiant à l’Université de Toulouse. Toute la soirée j’ai essayé de lui parler, en vain bien sûr. Que pouvais-je lui dire alors que j’avais le même âge que son fils. J’étais plein de vie et en parfaite santé. J’ai dormi dans le lit du garçon. Je suis parti tôt le matin avec un sentiment de malaise. Pourquoi ce garçon s’est-il tué quand il était si facile d’adhérer à un maquis quelconque?

C’est pourquoi le maquis était «peuplé» en majorité par les jeunes qui avaient échappés à ce système de travaux forcés. Mais il y avait d’autres – certains hommes plus âgés qui ont été politiquement «engagés» – communistes, socialistes, des gens qui détestaient Vichy. Il y avait aussi quelques ex-soldats de la République Espagnole qui s’étaient échappés en France après la chute du dernier bastion de la République espagnole dans le nord de la Catalogne en 1939. Enfin mais pas des moindres, il y avait même certains juifs miraculeusement échappés après avoir été littéralement pourchassés par la Gestapo aidée de la Milice française à partir de 1942. Tous ce mélange de gens, qui ne voulaient pas se faire attraper par la Milice ou la Gestapo, ont fini dans des repaires de montagne. Les armes étaient rares et notre mission était d’aider à enseigner l’utilisation des fusils-nous étions venus avec des fusils Enfield britanniques de la Première Guerre mondiale.

Chaque membre du maquis avaient un nom d’emprunt. Le but de ceci était d’assurer la sécurité des familles restées à la maison, s’il devaient se faire prendre. Un homme dont le vrai nom était Jean Milner se faisait appeler « Kaplan » (NdT: voir plus haut, le dénommé Kaplan – ou Caplan? – était en fait un dirigeant du maquis Faïta). C’était un jeune homme Juif de Paris. Il avait réussi à se frayer un chemin vers le sud et s’est retrouvé dans ce groupe. Je lui ai demandé pourquoi il avait pris un « surnom » typiquement juif, quand il aurait été beaucoup plus facile d’être appelé Durand ou Dupont. Sa réponse, héroïque ou non a été: « Si je me fais prendre, alors je veux mourir la tête haute comme Juif. » A ce jour je ne peux y souscrire. Un héros mort est mort.

Nous avons établi notre camp à la Ferme Nicoleau, près de Salvezines.

Nous avons dormi dehors dans nos sacs de couchage dans les bois. Dans le cas d’une attaque surprise, nous aurions pu sortir des sacs et repliquer rapidement sans être pris dans une maison.

Tout de suite nous avons commencé à faire sauter quelques ponts. Il s’est avéré que la destruction des ponts, sur des routes que les Allemands n’utilisaient pas vraiment, était un exercice absurde. Un cas en particulier était vraiment lamentable: nous avions à moitié détruit un pont ferroviaire qui ne pouvait cependant être utilisé puisqu’il y avait un train qui avait déraillé à quelques centaines de pieds plus loin sur la ligne. Nous avions appris pendant des mois l’utilisation de ces explosifs plastiques et nous avions vraiment hâte d’avoir un objectif sur quelques ponts pour montrer à nos nouveaux amis à quel point nous étions doués. Un pont sur ​​une route secondaire a été également complètement détruit pendant une nuit. Nous avons oublié de mettre en place un signe de danger ou quelques branches à travers la route. Dans la matinée, une voiture française est venue, le chauffeur n’a pas vu que le pont avait disparu. Lui et sa passagère ont été tués dans l’accident.

Notre contact radio avec Alger n’a pas fonctionné. On m’a dit notre opérateur a envoyé un signal de danger sur les ondes ce qui signifiait que les Allemands nous avaient capturés. Le contact a été établi plus tard par la radio du groupe de la résistance et Alger a finalement appris que nous allions tous bien. Je pense que notre radio n’a jamais fonctionné. Ce qui marchait bien, c’était le générateur de puissance, dont nous devions tourner la manivelle pendant que l’homme de la radio travaille sur ses messages. Il a fallu beaucoup d’huile de coude pour tourner ces manivelles. Nous y avons tous travaillé à tour de rôle. Malgré toute la bonne volonté de notre homme de radio, Alger n’a pas répondu.

Les maquisards capturèrent quelques Allemands et plus important, un membre de la Milice qui avait fait des choses horribles à d’autres combattants de la résistance. Sa capture a été facilitée car sa petite amie s’est fait prendre d’abord. Elle avait peur et a été forcée de lui demander de la rencontrer dans un café à Quillan. Quand il est arrivé, quelques maquisards lui ont sauté dessus et l’ont emmené jusqu’à notre campement.

Là, il a été «jugé» par ce que je pourrais appeler un tribunal irrégulier après avoir été battu comme plâtre. Nous avons été impressionnés de voir ce qu’il a enduré et être encore capable de marcher et se tenir debout. Il fut condamné à une mort immédiate et fusillé par un peloton d’exécution le même jour devant tous les maquisards et nous-mêmes. J’ai été un peu secoué par toute l’affaire car le «tribunal» n’était pas authentique. Mais dans ces jours difficiles, la vengeance était dans l’esprit de tout le monde contre des personnes qui non seulement avait collaboré avec les Allemands, mais pire, avait agi en tant qu’agents de la Gestapo en dénonçant et en tuant d’autres Français. Dans le même temps, sachant ce que la Milice avait fait dans cette zone, personne ne se sentait désolé pour cet homme.

Ce milicien s’est avéré être courageux quand il réalisa qu’il n’avait pas une chance de s’en sortir vivant. Il a été emmené à la zone d’exécution où il a refusé d’avoir les yeux bandés et avant d’être abattu, il a crié haut et fort:

«Messieurs, Vive la France ».

Après cette exécution, on nous a servi un «cassoulet». Croyez-le ou non, notre petit groupe OG n’avait pas beaucoup d’appétit. Nous n’étions pas vraiment à l’aise. Nous avions ordre de ne pas nous ingérer dans les affaires locales, et nous ne l’avons pas fait. Mais cette cour martiale rapide, suivie d’un peloton d’exécution nous a donné des frissons.

Les rares prisonniers allemands que les maquisards capturèrent étaient de très jeunes garçons de même pas dix-huit ans. Certains n’étaient même pas des Allemands. Je me suis senti désolé pour eux car ils ne ressemblaient pas à des troupes SS. Peut-être que c’est pour cela qu’ils ont été capturés facilement. Ils ont été plus tard remis à l’armée française. Nous avons respectés la convention de Genève, nous ne les avons pas abattus.

Nous avons armé les marquisards avec les fusils Enfield, leur avons montré comment les charger et tirer avec. Puis nous avons pris le chemin du Nord, vers Quillan d’abord puis en direction de Carcassonne.

Pendant ce temps, un représentant de l’AS (Armée Secrète), le mouvement de résistance régulier (FFI – Forces Françaises de l’Intérieur) vint pour expliquer que les armes que nous avions emmené avec nous étaient pour eux et non pour le maquis FTP où nous nous trouvions. D’une certaine manière, j’ai servis de médiateur et de traducteur pour notre officier américain dans l’argumentation qui suivi, jusqu’à ce que nous disions à toutes les parties que nous devions combattre un ennemi: les Allemands. En conséquence, ne nous battons pas entre groupe de résistance. A ma connaissance, une partie de notre équipement pourrait avoir été donnée à l’AS.

Tous les maquis de la zone, y compris le notre, vinrent ensuite rapidement à Quillan. Pouvons nous dire que nous « libérâmes » la ville?
Pas vraiment, puisqu’il n’y avait pas d’Allemands aux alentours. Cependant nous baignions dans une festive impression de liberté.

Puis un jour, un funeste jour, le 17 août 1944, on nous rapporta que des troupes Allemandes de Carcassonne étaient en mouvement pour récupérer de la nourriture dans un vaste entrepôt près d’Alet, à Couiza. L’armée Allemande avait de grands stocks de nourriture à différents endroits. On nous raconta qu’ils avaient assez de nourriture pour nourrir « un million d’hommes pendant dix jours ». En fait, il s’avéra qu’ils avaient « seulement » 100000 rations, ce qui est déjà beaucoup de nourriture (c’était des stocks de l’armée française récupérés par les Allemands). Nous avons mangé quelques conserves de corned beef récupérés à l’entrepôt. L’armée française appelait cette viande préparée du « singe ». C’était bon et avait bien meilleur goût que l’ordinaire des rations américaines.

Ces jours-là, la nourriture était vraiment rare. Si nous pouvions retirer ce dépôt aux Allemands, cela les priverait de leur rations quotidiennes pendant leur repli vers le Nord. Cela serait aussi extrêmement bienvenu, non seulement pour nous, mais principalement pour les populations locales. Le dépôt de Couiza était gardé par une trentaine de soldats Allemands.

Après le succès du débarquement du 15 août dans le Sud de la France, Le haut commandement Allemand ordonna à ses troupes stationnées dans et autours de Toulouse de se replier à toute vitesse vers la vallée du Rhône et de se diriger vers le Nord pour éviter d’être prises en étau entre les alliés venant de Normandie au Nord et de leur nouvelle tête de pont au Sud. Le commandement allemand de Carcassonne avait décidé de bouger rapidement et de prendre autant de nourriture que possible à Couiza. Pour protéger leur convoi, quelques soldats bien armés servaient d’escorte. Des civils français avaient été pris par les Allemands pour aider à charger les camions.

Les différents groupes de maquisards tentèrent de bloquer le convoi. Du renfort fut appelé depuis Carcassonne et plusieurs pauvres français encerclés et tués sans merci par l’infanterie Allemande. C’était au matin du 17 août. Dans l’après-midi, les allemands prirent quelques otages pour avancer en face de leurs camions et se rendre au Nord vers Carcassonne. Nous devions les arrêter.

J’étais toujours volontaire pour ce genre de choses. Le lieutenant Swank, le sergent Galley, John Frickey, Rock Veilleux et moi-même partîmes vers le Nord depuis Quillan avec des explosifs. Je ne sais pas quelle route nous prîmes pour nous y rendre. Apparemment nous avons dû passer inaperçus autour de Couiza et Esperaza. Nous étions guidés par nos maquisards FTP. Nous devions faire sauter la route au Nord d’Alet, en un lieu où l’Aude coule dans une gorge étroite. Les grandes pierres tombant de la falaise sur la route bloqueraient le convoi allemand qui devrait s’arrêter pour enlever les pierres. Alors, nous leur tirerions dessus.

Une soit-disant ambulance de la Croix Rouge passa en direction du Sud. Le conducteur nous vis et prevint les Allemands. L’infanterie suivant le convoi se porta sur nous plus rapidement que nous ne l’avions anticipé et nous pris partiellement au dépourvu. De plus, le Lieutenant Swank et le sergent Galley eurent des problèmes avec des explosifs qui ne se déclenchèrent pas comme prévu. Il n’eurent pas assez de temps pour déclencher une autre explosion. La route n’était pas bloquée, et le gros groupe de soldats Allemands endurcis se lança sur la route en tirant de toutes parts.

A ce moment, le lieutenant Swank fut touché et tué. Je ne sais pas exactement comment il fut neutralisé. Un officier Allemand l’acheva d’une balle dans la tête.

Le sergent Galley fut gravement touché à la main. Il parvint à s’échapper.

En ce qui me concerne, J’étais seul sur la falaise surplombant la route où l’on m’avait demander de couvrir cette route. Deux Allemands vinrent sur la falaise par derrière. Ils voulaient m’abattre. L’un des deux dit clairement en Allemand:

« Recht fünf meters. » (à droite: cinq mètres)

C’était de moi qu’ils parlaient.

Il lancèrent une grenade à main en forme de patate qui attéri vraiment près et balaya mon chapeau de laine en explosant. J’étais touché à la cuisse gauche (sur le coup, je ne réalisais pas que j’étais légèrement blessé). J’avais alors 3 choix:

– me rendre – NON

– répliquer – NON, ils étaient deux avec une mitraillette et j’étais seul

– fuir – OUI

Je me rappelais nos ordres: Ne combattez pas si « ils » sont plus nombreux que vous.

Donc, j’ai fui.

Je ne savais pas que j’étais blessé, même légèrement. Je grimpais la montagne. J’entendis quelque tirs pendant la nuit. J’ai dormis dans la montagne. J’avais été terrifié, terrifié, je veux dire effrayé d’être touché, fait prisonnier ou je ne sais quoi.

La nuit est tombée. J’étais alors très fatigué, je débouchai sur un haut sentier de ce coin de montagne, me nourrissant d’une ration de survie au goût de menthe, et m’endormant rapidement.

Tôt le matin, je me sentis bien car j’étais toujours en vie. J’ai pensé que le mieux serait de monter sur la colline et voir comment retourner à Quillan.

Je suis monté sur le sommet de la colline et redescendu de l’autre côté. C’était une magnifique et chaude journée d’été. Il n’y avait pas de maison dans la campagne. Pas même de champ cultivé. Seulement des arbres et de la broussaille. Je vis finalement une ferme ou ce qui me sembla être une ferme.

Je surveillais un long moment pour vérifier qu’il n’y avait pas d’Allemands ici.

Je couru un peu, approchant prudemment, m’arrêtant un peu, surveillant à nouveau. Puis, je me lançais et demandais rapidement:

« Des allemands dans le coin? »

« Non »

Alors, « S’il vous plait donnez moi quelquechose à boire. »

Ils me donnèrent de l’eau et probablement un peu de nourriture.

Il m’a semblé que ces fermiers ne souhaitaient pas être engagés dans quoi que ce soit qui ai rapport avec des combats, spécialement avec autant d’Allemands aux alentours. Mais ils appelèrent de l’aide et organisèrent ma récupération pour me permettre de retourner à Quillan.

Quelqu’un vint avec une voiture. Je pense que c’était Monsieur Barres (NdT: il s’agit vraisemblablement de M. Roger Polin, VP de la croix-Rouge, qui livre le témoignage suivant dans le site web de CouizaEn outre un soldat américain blessé réfugié à MAGRIE a été ramené par moi-même au P.C. dont il dépendait malgré la présence de troupes allemandes à COUIZA) Ils mirent un manteau civil sur mon uniforme. C’était vraiment très dangereux. Je me cachais sous un habit civil. Si nous avions été pris par les Allemands, nous aurions étés abattus sur le champ.

Mais non – nous passâmes à travers une ville tenue par les Allemands, Couiza ou Esperaza? En arrivant à Quillan, j’appris que Paul Swank était mort, avait été tué. J’étais choqué.

Après avoir rejoint mon groupe et leur avoir conté mon histoire, nous allâmes recevoir le cercueil de Paul Swank dans une place derrière l’église.

Je me souviens vivement du Lt Weeks agenouillé au bord du cercueil ouvert tenant la main du Lt Swank comme un geste d’adieu. Nous allâmes alors tous à l’église où un service religieux se tenait et de là au cimetierre où il fût enterré dans une tombe provisoire.

La mort de mon lieutenant me choqua vraiment. C’était la première mort parmi nous dont nous étions témoins. Vous entendez toujours parler de mort à la guerre, mais c’était « ça ». Nous l’avions connu un si court instant avant notre mission. Mais, c’était déjà comme si nous avions perdu un ami de longue date. Ce soir là après l’enterrement, nous demeurâmes silencieux. Notre petit groupe était très, très triste.

Je fut amené à un docteur pour voir si il pouvait retirer le petit morceau de grenade dans ma cuisse. Il avait ce qui ressemblait à une longue paire de pinces médicales. Il essaya sans succès. Comme il ne parvint pas à le trouver, il me dit que le mieux serait de l’oublier et de conserver ce morceau de métal dans mon corps comme un souvenir de guerre.

Jusqu’à ce moment, nous n’étions pas réellement motivés, mais à compter de ce jour, nous vîmes la guerre avec un oeil différent. Nous étions beaucoup plus prudents en prenant nos positions de combat. Nous aidâmes à faire quelques prisonniers Allemands, mais nous ne les gardâmes pas, puisque ce n’était pas notre but. Je pense qu’il y avait une rumeur disant que nous avions pris 10000 prisonniers allemands. Ce n’est pas vrai. Peut-être quelques Allemands ont-il demandé à se rendre auprès de nous les américains. Ils ont dû s’imaginer qu’ils recevraient un meilleur traitement de notre part que de celle des Français, comme ils avaient certainement eu connaissance de certaines atrocités perpétuées quelques semaines auparavant par de brutales unités Allemandes. Je ne me rappelle pas de tout cela. Une chose est certaine: nous n’étions pas censés prendre de prisonniers. Ce n’était pas notre travail. De toute manière, que pourrait faire un groupe de douze GIs Américains avec des prisonniers. Comment les retenir? Avec des chaines?

Jusqu’à la fin août quand nous entrâmes dans Carcassonne, rien de spectaculaire n’advint.

Ainsi nous « libérâmes » Limoux, quelques autres villages et terminâmes à Carcassonne.